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Penser le genre catholique

Ce blog cherche à réfléchir sur la place des corps et des sexes dans les enjeux de sécularisation auxquels doit faire face e christianisme occidental à l'époque contemporaine (XIXe-XXe), et plus spécifiquement la tradition catholique, depuis les années soixante (second féminisme, révolution sexuelle, émancipation des minorités sexuelles). Il s'intéresse également aux expériences militantes et associatives qui portent ces questions au prix d'une remise en cause des normes.

Cette laïcité si peu univoque

Dans les débats qui agitent la France de l'après Charlie, on a pu voir resurgir l'idée selon laquelle sans religion notre monde serait en paix. Il est vrai que le passage à l'action armée et violente de certains au nom de leurs convictions religieuse peut générer ce raisonnement. Parfois, pour le meilleur et pour le pire :

Le rappel de la neutralité de notre droit et de nos institutions peut toujours être salutaire. Le blasphème n'existe pas dans le droit. Seules la diffamation ou l'appel à la haine à l'encontre d'un groupe sont juridiquement recevables dans le processus qui régule la presse. Les jugements des tribunaux et la jurisprudence sont équilibrés même si peu de personne se donne la peine de les lire. Néanmoins, réhabiliter la laïcité ne signifie pas pour autant vouloir supprimer le religion d'une société.

L’histoire de notre pays ne nous apporte pas forcément une réponse facile. La laïcité a pu être maladroitement entendue par certains — et jusqu’à aujourd’hui — comme la « religion des sans religions ». Elle peut nourrir le sentiment plus ou moins paternaliste de l’infinie supériorité du sans religieux sur le religieux, alors que la laïcité se doit d'être plus pragmatique et plus modeste, sans quoi elle risque devenir intrusion dans l'espace intime des pensées. Elle se doit de donner les conditions de possibilité d’exercice dignement les cultes, en accord avec l'ordre public, et dans le respect de la liberté de conscience.

Si des personnes passent à l’action armée et violente, c’est sûrement pour des raisons socio-économiques mais il ne faut pas négliger, à mon sens, le certain « idéalisme » qui les anime. Il y a dans ceux qui se pensent comme les purs et les intransigeants de leur groupe religieux une forme de « romantisme » qui s’oppose au désenchantement de notre monde (inégalitaire, consumériste, matérialiste, souvent perçu comme nihiliste).

Comment réhabiliter des discours porteurs de sens collectivement lorsque le progrès a abouti à un désordre écologique sans précédent, l’émancipation sociale est plutôt menacée par la mauvaise intégration à la mondialisation économique de notre pays et que l’horizon collectif n’est guère pris en charge ni par les Églises, ni les États, ni l’Europe ? Il y a peu de récits porteurs autour de nous : le cynisme et le désenchantement semblent l’avoir emporté et s’il y a un reproche qu’on ne peut pas faire aux groupes religieux, c’est qu’ils essaient encore d’y résister.

Car le monde est, semble-t-il, encore trop vaste pour qu'on l'embrasse par la seule raison, que la logique réponde à toutes nos angoisses existentielles, que l'on nait toujours dans une culture et que, parmi elle, le religieux y prend pour beaucoup encore sa place, que l'on vit plus généralement par les rites, les mythes et les représentations symboliques, il ne sert a rien de vouloir séculariser, de force, toute anthropolgie. D'un autre côté, car le religieux peut avoir la mauvaise tendance à privilégier le particulier sur l'universel et à figer dans la transcendance des usages culturellement situés, il est sûrement légitime que les sociétés démocratiques protègent la conscience des libres penseurs, des dissidents religieux et ne limitent pas leur expression, du moins pas en dehors des règles de droit qui s'appliquent à tous.

Même si je ne place pas la solution sur un plan strictement religieux, l'écarter comme élément seulement problématique est sûrement vain. Les jeunes du groupe Coexister, qui essaient de montrer que chaque famille confessionnelle ou convictionnelle peut apporter sa contribution à l'édification de le société sont révélateurs. Ils veulent faire vivre la dimension universelle de notre République :

Respecter les différences de l'autre et les utiliser comme autant forces et de richesses pour promouvoir les principes et les valeurs qui forment notre unité républicaine.

Extrait de la pétition "Divisions, pièges à cons" de Coexister

Il est vrai que cela importe une logique qui peut aller justement contre un certain "universalisme" à la française qui démédiatise toute identité citoyenne de son aspect religieux ou culturel. Mais cela répond peut-être à une aspiration de la jeunesse, quand bien même je n'oserai m'en faire le représentant ou le plus qualifié pour dire ce qu'elle pense. Dans l'aventure Coexister je retrouve, empiriquement et sans que cela soit parfaitement démontrable, la même aspiration que certains élèves du lycée où je travaille et avec qui on a échangé après les assassinats à Charlie Hebdo ou dans le supermarché kasher.

Une volonté de ne pas cacher son identité et être reconnu, dans sa dignité et par ses convictions religieuses, si elles existent. Évidemment, je ne détaillerai pas ici toutes les limitations pratiques à mettre à cela, car il en faut sûrement pour préserver la conscience de chacun. Si les thèses multiculturelles trouvent un écho dans une France marquée par sa tradition plus universaliste, c'est qu'elles doivent concorder quelque part à cet individualisme contemporain qui pousse, dans le même temps, à la fois à l'indifférenciation des différences et la reconnaissance de chacun dans sa différence. Des dispositifs pro-actifs de coexistence valent sûrement mieux que les incantations à une laïcité absolue.

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