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Penser le genre catholique

Ce blog cherche à réfléchir sur la place des corps et des sexes dans les enjeux de sécularisation auxquels doit faire face e christianisme occidental à l'époque contemporaine (XIXe-XXe), et plus spécifiquement la tradition catholique, depuis les années soixante (second féminisme, révolution sexuelle, émancipation des minorités sexuelles). Il s'intéresse également aux expériences militantes et associatives qui portent ces questions au prix d'une remise en cause des normes.

Le christianisme au défi du genre ?

2ème série de journées scientifiques « Confrontations autour du genre » organisées à l’Université catholique de Lyon par l’association d’intellectuels chrétiens Confrontations et l’Institut des sciences de la Famille (UCLY) (2).
L'Université catholique de Lyon (UCLy)

L'Université catholique de Lyon (UCLy)

Pour en avoir suivi plusieurs, les colloques genre en contexte catholique sont toujours des machines délicates à monter pour les organisateurs.rices et encore plus délicates à décrire pour les observateurs. Beaucoup de regards se braquent sur les interventions, prêts à guetter les expressions qui fâchent, à compter les bons et les mauvais points entre des positions. Je me contenterai donc d’une approche chronologique et plutôt descriptive, quitte à glisser, çà et là, les réflexions qui ont pu surgir dans mon esprit au cour de l'événement.

Le moment liminaire du colloque fut une intervention, le jeudi soir, sous forme de conférence, du dominicain Hervé Legrand autour du thème très vaste « les évolutions des relations hommes-femmes dans le christianisme aux défis de l’histoire ». Le principal mérite de son exposé est de faire le lien entre la première génération des théologiens soucieux de déconstruire l’androcentrisme chrétien, les « féministes chrétien.nE.s», les « théologiens féministes » des années 1970, d’un côté, et les chrétiens soucieux de ne pas laisser le concept de genre à l’espace séculier, d’un autre.

Sans surprise, le théologien ecclésiologue souhaite proposer le genre comme un « concept heuristique » pour comprendre le catholicisme et, ainsi, sortir de la perception du genre comme « une menace ». Pour y parvenir, sur un ton plaisant, il a dressé une sorte de grande fresque afin de démontrer que les religions endossent une part, pas la totalité, mais leur part, de la responsabilité dans la subordination des femmes.

J’ai beaucoup d’affection pour ce théologien. Je crois qu’il incarne le courant du catholicisme, né dans l’après-concile qui a cherché, sérieusement, sincèrement, et loyalement, l’ouverture. Néanmoins, le champ de ses références pour penser le genre est-il encore connu pour aboutir à une changement au sein du catholicisme français contemporaine ? Au détour d’un propos, il évoque Ann Børressen et sa thèse sur les femmes dans la patristique de Thomas d’Aquin et d’Augustin d’Hippone publiée, entre le France et le Danemark, en 1968. Son outil conceptuel : l’ « androcentrisme » : cette façon de normer le monde en partant du point de vue masculin, de l’expérience masculine et d’une référence masculine...

La question de l’égalité hommes-femmes forme-t-il ce qui pose le plus de problème au catholicisme présentement? D’une certaine manière oui, on établit souvent un parallèle historique, au milieu des années 1990, entre les ordinations dans l’Église d’Angleterre, l’adoption du concept de genre dans l’action de l’ONU (1995), et le discours magistériel de Jean-Paul II rappelant l’importance du motif différentialiste et les premières prises de positions des nonciatures contre la « théorie du genre ».

Néanmoins, humblement, j’ai le sentiment que ce qui pose problème, au-delà de la question intra-ecclésiale des rapports hommes-femmes, de leurs soubassements théologiques ou exégétiques ainsi que les éclairages qu’apporte spécifiquement le comparatisme méthologique de l’œcuménisme, c’est bien l’interrogation proprement contemporaine autour des identités sexuelles et la capacité (ou non), légale, souhaitable, symbolique, de s’affranchir de la matrice hommes-femmes hétérosexuelles ?

Ce qui est, par contre, surprenant c’est le maintien — contexte lyonnais marqué par des figures comme Marie-Jeanne Bérère, Henri Bourgeois, Donna Singles ? — de la question des ministères féminins. On aurait pu croire que, depuis les textes de Jean-Paul II et de la Congrégation de la Doctrine de la Foi (demandant d’arrêter les questionnements catholiques théologiques sur ces questions), l'institution aurait anesthésié le champ. Mais, non, plusieurs courageuses intervenantes ont bravé, le premier tour de questions (masculines il va de soi) rappelant, ou courtoisement, ou fermement, ou de manière plus alambiquée, les positions romaines (sans les nommer explicitement).

Pour un observateur extérieur, on ne pouvait qu’en se réjouir : les questions de genre travaillent la sociologie du catholicisme français.

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