27 Août 2013
Chaque semaine, deux sortes de réunions se tiennent : les unes rassemblent l'ensemble des adhérents, voire des sympathisants, les autres se limitent aux militants. Leur contenu se réfère au programme national. Par exemple, en 1942-1943, nous réfléchissons sur la virilité chrétienne nécessaire au milieu de la guerre.
Dans un vaste témoignage, Yves-Marie Hilaire, spécialiste d'histoire religieuse (cf. biographique infra), revient sur ses années de "jéciste", c'est-à-dire militant d'Action catholique spécialisée à la JEC (jeunesse étudiante chrétienne).
Yves-Marie Hilaire - Wikipédia
De 1981 à 1984, il est directeur du GRECO (Groupement de recherches coordonnées) du CNRS " Histoire religieuse moderne et contemporaine ". À partir de 1985, il co-dirige avec Jean-Marie Mayeur u...
Ce court passage m'interpelle à plusieurs titres. Tout d'abord, comme je l'ai déjà relevé sur ce blog ou ailleurs, il existe encore peu de réflexion sur la masculinité catholique à la différence de la féminité abordée à travers la sur-pratique féminine ou les éléments féminins de la piété au XIXe siècle.
Faire l'histoire du masculin catholique, France, XIXe-XXe (I)
On s'intéresse souvent sur ce blog aux études de genre portant sur la religion catholique à l'époque contemporaine. Mais, il faut bien avouer que ces études approchent bien souvent le rapport ...
Deuxièmement, un petit débat revient fréquemment dans le monde des études de genre sur la façon dont les hommes s'énoncent comme êtres sexués et sexuelles. Alors que les femmes peuvent se référer à un idéal féminin — "la Femme", "l'éternel féminin", etc. — les hommes s'énoncent peu à partir d'un idéal masculin théorisé. Par contre, ils parlent de "virilité". C'est du moins le parti-pris de la grande synthèse sur cette question proposée par Alain Corbin et Georges Vigarello :
Georges Vigarello présente l'Histoire de la Virilité sur le site de son éditeur le Seuil.
Ce choix lexical et scientifique de la virilité n'a pas fait encore l'unanimité. Par un souci de neutralisation axiologique, d'autres auteurs choisissent de se référer à la masculinité qui désamorce le potentiel dominateur et violent contenu dans la notion de "virilité"... Une étude de la masculinité permet de mieux concevoir les repoussoirs du modèle viril et hégémonique (les masculins efféminés, dépréciés racialement, ethniquement, sexuellement) et c'est davantage dans cette "école", s'il en s'agit véritablement d'une, dans la succession des travaux de Raewyn Connel, que je souhaite personnellement me situer dans mes travaux.
Ah, Paris in the summertime! The sparkling light, the warmth, the parks, the life on the streets! What a place for a conference! My colleagues in Sydney went green with envy when I told them where I
Le blog de Raewyn Connel, sociologue mondialement reconnue de l'étude des masculinités
Je ne suis pas néanmoins contre le refus du vocable de la virilité à condition de la prendre comme une notion culturellement construite. Par son témoignage, Yves-Marie Hilaire nous rappelle bien que les jeunes hommes catholiques faisaient de la "virilité" un élément de formation. Dans un contexte de guerre de surcroît. Peu de travaux de synthèse malheureusement existe sur cette notion : du miles christi* médiéval aux Jeunes Gens d'Agathon** (dont on est à peu près certain aujourd'hui qu'il a été écrit par des membres de l'ACJF***) en passant par 'homme d'oeuvres type Frédéric Ozanam du XIXe siècle, il existe bien un modèle masculin d'engagement chrétien. L'homme chrétien idéal se veut disponible, obéissant à l'Église, engagé pour les autres et sa nation, etc.
* chevalier du Christ
** Agathon (pseudonyme) Les jeunes gens d'aujourd'hui : le goût de l'action, la foi patriotique, une renaissance catholique, le réalisme politique, Paris : Plon-Nourrit, 1913, 289 p.
***ACJF : Action catholique de la Jeunesse Française fondée en 1886 par Albert de Mun.
En préparant ce billet, je tombe d'ailleurs sur une référence qui m'était inconnue, visiblement la conférence d'un père dominicain sur la "virilité chrétienne" prononcée à Louvain :
P. Gillet, La Virilité chrétienne, Conférences Universitaires, Paris : Desclée, 1909, 442 p. (compte-rendu disponible dans un vieux numéro de la Revue néo-scolastique en ligne sur Persée).
Persée : Portail de revues en sciences humaines et sociales
Persée est un programme de publication électronique de revues scientifiques en sciences humaines et sociales. L'intégralité des collections imprimées de revues est numérisée et mise en ligne...
Et à l'époque contemporaine ? si la virilité a disparu, peut-être sous la mise en avant du laïc terme neutre et ouvert aux deux sexes, il y a une exception dans la littérature magistérielle. Les papes contemporains (Jean-Paul II et Benoît XVI) parlent encore, au prix d'un sacré paradoxe, la "virilité" des prêtres comme je l'avais noté il y a quelques temps dans un article paru dans Lumière et vie.
Malaise du masculin en contexte catholique
Si on aborde la question du rapport entre les hommes et les femmes dans l'Eglise catholique, il est courant d'évoquer la place des femmes, notamment en ce qui concernerait leur manque de visibilité
http://penser-le-genre-catholique.over-blog.com/page-4653341.html
«Le Christ a besoin de prêtres virils» (Benoît XVI, 2007, discours aux séminaristes polonais)
Je pense que la littérature catholique sur la "virilité chrétienne" doit être abondante en langue française. Les premiers travaux de Carol Harrison sur les romans de zouaves pontificaux ouvrent sûrement la voie à d'autres... À quand une belle et grande, mais critique, histoire de la virilité catholique ?